Actualité

Michel DENIS – Président du Conseil de Surveillance de La CABA

16 Jan 2023

Quel regard portes-tu sur le recul
de la consommation Bio ?

 

Cette crise est multifactorielle. Mais, dans un contexte d’inquiétude sur le pouvoir d’achat, c’est l’écart de prix entre le Bio et le conventionnel qui apparaît comme le principal frein au développement de la Bio. Le problème c’est que les prix du conventionnel sont biaisés, car les coûts environnementaux ne sont pas intégrés dans les prix de revient

Ces coûts sont externalisés [1] et partiellement supportés par les contribuables ou intégrés en partie dans les factures d’eau ou assurances maladies. Mais le plus souvent, et c’est plus grave, ils sont légués à la charge des générations futures dont la dette écologique ne cesse de s’accroître.

C’est ainsi que nous nous apprêtons à leur léguer en héritage une biodiversité effondrée (oiseaux, insectes, poissons, batraciens, petits mammifères avec hérissons en voie d’extinction dans une indifférence générale, etc.), des sols à la fertilité dégradée, des nappes d’eau contaminées, des eaux de surface souillées, un littoral envahi par des algues vertes avec des plages toxico-actives ; où quiconque s’y aventure, qu’il soit homme, chien ou cheval, etc , est en danger de mort !

Ainsi, quand nous passons à la caisse d’un supermarché avec un panier de nourriture conventionnelle nous pensons nous acquitter du prix de notre nourriture. Or en fait, nous ne versons qu’un acompte et nous laissons le solde à la charge des générations futures. La vérité c’est que les prix du conventionnel ne sont pas les vrais prix. À partir de là, la concurrence entre bio et conventionnel est déloyale et le choix du consommateur est faussé. Cela est aggravé depuis 2017, car l’état a supprimé les aides au maintien de la bio en considérant, sous la pression des lobbies, que c’était au marché de rémunérer la Bio.

Mais, comment le marché pourrait-il être vertueux à partir du moment où la concurrence est faussée ?

Cela révèle surtout qu’en haut lieu, on considère le Bio comme un produit de luxe, une niche complémentaire pour enrichir la gamme des supermarchés. Espérons qu’avec la création d’un ministère de la Transition écologique, les choses vont changer et qu’on fera de la Bio l’un des axes majeurs de la transition écologique.
De plus, cerise sur le gâteau, le coût de la certification bio est à la charge du producteur alors que le droit de polluer avec des intrants chimiques, lui, est gratuit. Je ne vois pas comment nous pouvons qualifier une telle politique agricole autrement que punitive envers les agriculteurs qui mettent en œuvre de bonnes pratiques agricoles, particulièrement ceux s’orientant vers l’agriculture biologique.

Et ce n’est pas tout. Regardons ce qu’il se passe côté consommateur.

Lorsqu’il passe en caisse, comme le Bio est plus cher il paie davantage de TVA sur les produits Bio qu’il en paierait pour des achats identiques en conventionnel. Ainsi, si nous nous basons sur une étude de la revue Linéaire de mai 2020, le Bio coûterait en moyenne 75 % plus cher que le conventionnel (heureusement à la CABA nous sommes en deçà [2]) le consommateur paierait 75 % de TVA en plus. Pour la seule année 2021, avec un marché Bio de 13 milliards d’euros, c’est plus de 306 millions d’euros [3] que les consommateurs français de produits bio ont payé en plus à l’état sur leur budget alimentation, par rapport à ce qu’ils auraient payé s’ils avaient consommé conventionnel.

Ainsi, à chaque passage en caisse nous recevons un coup de règle sur les doigts à chaque fois qu’on achète un produit Bio. Nous ne pouvons pas appeler cela autrement qu’une politique punitive envers la consommation responsable et la transition écologique. Les grandes surfaces agissent de même : même taux de marge en bio et conventionnel, donc 75 % de recette en plus en moyenne sur un article Bio que sur un article conventionnel.

Et cela fait 40 ans que ça dure !

Là, j’ai envie de crier : « RENDEZ-NOUS L’ARGENT », ou « I WANT MY MONEY BACK » pour reprendre le célèbre slogan de Margaret Thatcher.

La logique voudrait :

  • Qu’on assure la gratuité de la certification Bio.
  • Qu’on affecte les produits bio d’une TVA zéro.
  • Qu’on institue une écotaxe [4] sur les intrants cause de pollution pour avoir des prix de revient significatifs afin de ne pas fausser le marché et pénaliser les agriculteurs qui adoptent  des pratiques vertueuses. Cette écotaxe pourrait être redistribuée aux agriculteurs selon une clé de répartition encourageant les bonnes pratiques agricoles, cela en prenant soin de ne pas sans inciter à la course aux hectares.
  • Qu’on instaure une sécurité sociale de l’alimentation afin de permettre l’accès à une alimentation de qualité pour tous.

Ces questions sont naturellement du ressort de la sphère politique. Malheureusement les élus ont une tâche difficile. Ils sont soumis à la pression de puissants lobbies et ils auraient  besoin d’être davantage soutenus dans leur intention de faire prévaloir l’intérêt général. Ce serait le rôle des consommateurs, car ils sont les destinataires des produits agricoles. En outre, ils subissent  les impacts de l’agriculture sur leur environnement, cela leur donne une double légitimité pour se mobiliser afin que cessent ces politiques doublement punitives :

  • envers les agriculteurs s’orientant vers des pratiques vertueuses, en particulier ceux pratiquant l’agriculture biologique,
  • et envers les consommateurs sensibilisés à la consommation responsable.

C’est le vœu que je formulerais pour 2023.
Bonne année à tous, en Bio naturellement !

 

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[1]  C’est ce que reconnaît implicitement le rapport de la Cour des comptes qui après une revue détaillée de la littérature scientifique, rappelle les bénéfices de l’agriculture bio, notamment en termes de santé et d’environnement, et observe que le développement de l’agriculture biologique est le meilleur moyen de réussir la transition agro-environnementale et d’entraîner les exploitations agricoles dites conventionnelles vers des pratiques plus respectueuses de l’environnement.

[2] J’ai personnellement constaté de la bavette d’aloyau à 45€/kg dans une grande surface alors qu’à la CABA elle est à 28,90€/kg.
[3]Somme minimisée, car le taux de TVA retenu est 5,5 % sur l’ensemble, alors qu’en réalité les vins sont taxés à 20 %.
Comparé à ces 306 millions d’euros, le soutien supplémentaire de l’état de 5,75 millions d’euros annoncé par le ministre de l’agriculture en faveur de la Bio apparaît assez dérisoire. D’autant qu’une partie est destinée à engager des études pour avoir « une compréhension plus fine de la crise, et notamment des motifs de diminution de la demande » (cf. Assises de l’agriculture et de l’alimentation bio du 6/12/2022).
[4]Les écotaxes sont parfois stigmatisées (écobashing), pourtant le concept est soutenu par Marcel BOITEUX qui n’est pas un écolo chevelu puisqu’il a dirigé EDF pendant 20 ans et qu’il est l’un des artisans du programme nucléaire français.

 

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